« Villa de Claudel » : c’est souvent en ces termes qu’est désignée la résidence de villégiature de l’ambassade de France sur les rives du lac Chuzenji
Au début de l’ère Meiji, la cour impériale prenait ses quartiers d’été dans la fraicheur et la haute altitude du lac Chuzenji à 200 kilomètres au nord de Tokyo, fuyant ainsi les grosses chaleurs estivales de la capitale nippone.
Grâce au développement du chemin de fer à vapeur et une fois l’aménagement de la première route d’accès achevé, il devient aisé pour les officiels japonais, diplomates occidentaux, artistes et intellectuels, unanimement charmés par l’atmosphère apaisante et mondaine du lac Chuzenji, d’y établir leurs quartiers d’été pour une saison de potins, régates et pêche à la truite.
Afin de favoriser une entente cordiale entre les membres de chaque nation, les nouvelles ambassades firent construire de luxueuses maisons de villégiatures sur la rive sud du lac. Diners et cocktails mondains se succédaient tout l’été dans les salons et sur les terrasse de ces villas au charme raffiné, mêlant architectures nippone et occidentale.
L’état français ne fit pas exception et acquit en 1909 une grande villa afin d’y établir la résidence de villégiature de l’ambassade de France. Construite par un ancien ministre des Affaires étrangères, Shuzo Aoki (1844-1914), c’est une maison traditionnelle en bois de sapin, aux panneaux coulissants, bordée d’une belle véranda de style « engawa » ouvrant sur l’immensité transparente du lac, au pied du volcan Nantai, dont la silhouette conique rappelle celle du mont Fuji. Au premier étage, il y a quatre chambres à coucher pour accueillir les visiteurs de passage.
C’est là, au bord du lac transparent, source de contemplation infinie, que Paul Claudel, ambassadeur de France au Japon (1921-27), écrivit de nombreux passages de son livre Le Soulier de Satin.
« Je suis en ce moment à Chuzenji d’où je ne suis descendu que pour aujourd’hui, dans le plus beau paysage qu’on puisse imaginer, au bord d’un lac bleu entouré de montagnes et de forêts, et au pied d’un beau volcan dont les lignes sont à peu près celle du Fuji », confiait Claudel à son ami le compositeur Darius Milhaud le 14 juillet 1922. « J’y habite une adorable maison japonaise, on n’a qu’à tirer les panneaux de papier et l’on est entièrement mélangé à la forêt, au ciel, à la nature (…) Il y a toujours quelque cascade, quelque nouveau temple à visiter. La vie est belle et j’oublie tout à fait ce Paris où je désire ne pas revenir de sitôt », ajoutait-il.
Et c’est là encore que Paul Claudel se rendit deux semaines avant son départ du Japon, en janvier 1927 : « Chuzenji. Dernier regard. Le Nantai d’une délicieuse couleur isabelle et terre brûlée », note-il dans son journal.
Chuzenji façonna d’une certaine manière l’empathie de Paul Claudel pour le Japon. Il découvrit dans la nature et la tradition esthétique japonaises une harmonie en phase avec sa sensibilité.
Rénovée en 2009, la villa de l’ambassade de France, conserve aujourd’hui l’usage d’une maison de villégiature. Couramment appelée « Villa Claudel » par la communauté française du Japon, en hommage au diplomate-écrivain, elle n’est malheureusement pas ouverte au public.